Archives de juin, 2014

ou on a passé une bonne soirée

Saint Chamas, Bouches du Rhône, au bord de Berro L’Estang, 21 juin 2014, Fête de la Musique. Il est 22 heures presque la demi, au pied des pierres ébranlées de la paroisse, Patti Smith propulse son « Gloria » devant une foule en liesse, ivre de bonheur « Glo-ria, tatatataa-ta, Glo-o-ria »…

En fait elle s’appelle Delphine, la vingtaine blonde coiffée d’un borsalino en paille noire. Elle a peur de rien, Delphine, labourant sur la terre révoltée de ses ancêtres. Oh putain (on est dans le midi !) ça repart : « Highway to hell… Highway to hell » et puis  » J’ai vu le sang, sur ma peau, j’ai vu la fureur et les cris » (ah, Murielle !) même en français ça déchire ce soir…

Non ? Si, elle le fait , annoncée comme la chanson que personne ne connaît « I can’t get no-o, sa-tis-fac-tion, i can’t… ». La Gibson feule sous les platanes, Patou à la basse fait vibrer la bière dans les verres… Houlà! une personne devant moi a failli chuter, faut dire qu’à son âge, se déhancher comme ça c’est dangereux. Pourtant ils sont tout un groupe d’ arthrosés là, devant la scène, qui chaloupent en saccades. Coup d’œil circulaire et coup dur cervical, avec mes 54 ans je me retrouve dans la moyenne !

C’est minuit, l’heure légale, un p’tit dernier pour dire c’est pas fini : « Knock, Knock, Knockin’ on heaven’s door » des Bob N’ Guns… Puis la foule aux yeux de vingt ans s’ éparpillent gentiment sous le regard repu de celle qui les a aujourd’hui. Elle a pris de notre héritage ce qu’il y en a de meilleur : la musique. Elle s’autorise tout juste un petit rappel solidaire sur le sort/statut des intermittents du spectacle . Pour le reste, de toute façon elle n’aurait rien dit ; ce soir c’est la fête on se vide la tête et puis les têtes blanches sont déjà ailleurs. C’est demain. La vie ordinaire reprend son chemin.

Delphine a peur, elle regarde l’horizon de ses vingt ans, il n’est pas beau. Mais où sont les rêves d’antan ?

ou conséquences d’une tension intérieure

La possibilité d’exister naît de la tentation avortée

d’existence du néant

Du néant qui n’existe pas, il ne peut rien advenir c’est admissible, nulle pulsion créatrice ne pouvant lui être antérieure.

Mais si ce néant n’existe pas, il nous faut admettre pour conséquence le principe d’une existence.

Et si l’on admet a contrario, l’existence du néant, il est par lui-même le principe.

Le paradoxe nihiliste s’apparente dès lors à une tautologie existentielle qui admet pour principe premier « la conscience de soi ».

La conscientisation du néant le soumet à la possibilité relative du tout, un tout absolu c’est à dire sans aucune limite qui l’inclurait dans un principe créateur initial.

Le Néant contient la possibilité du Tout

Tout et Rien en ce sens

Ne sont qu’une seule et même forme

ou du double paradoxisme existentiel

Longtemps je me suis douté d’un grand leurre, comme une rengaine au  souvenir primal. Du Néant la nature , il me fallait chercher car c’est là dans cet inconnu que mon mal d’être semblait engloutir toute énergie. De mes longues nuits enfiévrées, j’extirpais toute chose, toute substance jusqu’à même y dissoudre  ma conscience, devenant le champ, supprimant le champ, hors de tout système,  annulant sa trace, toute trace, la trace de sa trace, de sa trace , de la trace jusqu’à l’infini des impossibles où se trouve encore cette tentation d’existence qui sans même le nommer appelle au néant et en ferme dès lors la porte à tout jamais.

Le Néant n’existe pas.

Ainsi donc reclus dans l’éternité de ma propre existence, surgir et tomber du ou dans le Néant devenues choses indicibles, il me fallut à rebours, sonder la litanie des « pourquoi ? » dont l’un des chemins contraires semblait bien conduire jusqu’à moi. Enivré de savoirs, scrutant l’horizon phénoménal de toutes choses, sautant au-delà m’imaginant l’impensé , ne butant sur aucune raison chaque indice en amenant d’autres, j’en arrive à embrasser le tout, m’y dissolvant pour devenir tout, tout étant tout est en tout, dont la simple tentation d’existence admet à l’infini la possibilité d’exister.

L’Être est immanent.

Bonus : le double paradoxisme

C’est en n’étant pas que le Néant peut être

C’est en devenant qu’il ne peut.

ou des tribulations d’un coquelet

je suis installé devant la télé pour regarder un événement télévisuel  ; ainsi connecté j’aurais dû me sentir moins seul . Mais le réflexe conditionné qui me poussa dans mon fauteuil en bon cuir cossu,  n’a pas également agi sur mon cerveau, aussi je m’ennuie assez rapidement, avant même que le spectacle commence.

Ah, le présentateur/journaliste donne le clap en nous assurant du bonheur d’être là.

Mon esprit vagabond s’accroche à ce qu’il trouve, regrettant déjà ce qu’il n’y trouve pas. Exit le décor doré de vrai or certainement ; exit les tentures rouges bourgeois, les serviteurs, les habits, les invités, exit les raisons, exit une couronne…

Reste une vieille dame et son coq, enfin… un coquelet ; en Provence , on aurait dit : Lou Ravi !

La vieille dame s’avance vers la table dressée en son honneur, on lui présente son fauteuil ,Lou ravi est là, ah non il est plus là, quelqu’un à voir sans doute. Le montage télévisuel montre une coupure temporelle, ouf le coq est là et prie madame de s’asseoir, ce qu’il s’empresse lui-même d’exécuter, laissant la lenteur de l’âge clore l’invitation.

Le coq à la ferme, bien droit sur son tas de fumier, est réputé bon chanteur : pas de déception de ce côté.

C’est au tour de mamie qui d’une délicate main gantée de blanc déplie le parchemin de son oracle. Coquelet sourit, ah non pas au discours de la dame, quelqu’un dans l’assemblée au parterre, manifestement « l’ attentionne ». Et puis un autre à gauche, à droite, on ne sait plus suivre son regard tout excité d’être là ; ou bien serait-ce de l’irrévérence ostentatoire ? Un coquelet !

Ouf , la carte des menus est présentée, le cercle se recentre ; le moment de honte s’estompe, on s’en est pas trop mal sorti (je parle de nous bien sûr). Mamie et son coq s’amusent mais c’est de la politique : je ne veux pas savoir ce qu’ils se disent.

Bonsoir.

ou quand l’histoire ne change que les costumes

Le  6 juin 1850, un pépiniériste de Bordeaux introduit sur le sol français les premiers ceps américains pour lutter contre un oïdium envahissant. Accroché dans les pieds de la vigne, un vulgaire puceron dont la terre ne connaît pas encore le nom, découvre un monde à l’image de son appétit  : riche et vert.

Phylloxera Vastatrix c’est son nom, il le trouve en ce mois de mai 1868. La France viticole et bientôt toute l’Europe derrière elle, intoxiquée par la bête, clame alors son espoir d’avenir et prend le remède qu’elle réclame : le pied américain.

Ainsi à ce jour et depuis plus de 140 ans, la totalité de la diversité de la culture des vignes traditionnelles françaises croît et se reproduit hors sol et sans mariage, alimentée par un treillis de ceps américains de qualité moindre dont l’incontestable singularité est d’être bio-compatible avec le puceron qui un jour se vulgarisa dans un monde riche et vert.

Toutefois, paroles d’un vigneron de Saint Romain en Bourgogne, si l’on plante la greffe trop près du sol, le rameau français, plus vigoureux, développe ses propres racines et s’émancipe du corps étranger. Certes une mort prochaine lui est promise comme elle le fut à Colomb en d’autres temps mêmes lieues,  à chaque plongeon de son étrave dans l’océan de nos chimères.

De la vigne au coeur

Publié: 1 juin 2014 dans Vu ici ou là

De la vigne au coeurAu Château de Pommard qui l’eut cru

j’arrive avec du vin en tête et je repars portant du rêve au cœur !
et bien plus encore quand de la forme lissée s’exhale une parfaite émotion.

La terre sort d’Afrique et se moule à l’extrême de l’Orient. Le mélange, subtil, révèle une femme libre et tranquille, une femme-monde à écouter.

[en photo :Porteuse de rêve]

http://www.galeries-bartoux.com/fr/artistes/marie-paule-deville-chabrolle.html